Vientiane, République Démocratique Populaire Lao
Ce n'est pas qu'on veuille paraître réducteur, mais on considère d'abord les capitales comme de grosses armoires remplies de visas. Ce coup ci, ceux qu'on s'est juré d'obtenir avant d'embrayer sur le Sud du pays devraient nous permettre de continuer par le Cambodge et le Vietnam. Assez paradoxalement, pourtant, ces démarches censées garantir votre liberté de mouvement sont le plus souvent au contraire des contre-temps frustrants qui vous engluent, vous retiennent ici, à Delhi, là, à Téhéran pendant des jours alors que votre seule envie à vous c'est de fuir ces coins fissa. Et bien dans le cas présent, il a suffit qu'on se soit armé pour le pire pour que tout se passe très bien (à l'exception d'un passeport bêtement oublié chez le loueur de motos alors qu'on s'appretait à le présenter à l'officier vietnamien), très rapidement (48 heures chrono) et dans les termes convenus (75$ les deux autocollants). En conséquence de quoi, vous voilà à Vientiane avec un petit paquet d'heure à dépenser. Suivons le guide.
On ne s'est pas encore lancé que voilà du renfort. C'est l'Alsacien qu'on avait croisé à Luang Prabang qui se retrouve comme nous ; presqu'au bord du desoeuvrement. L'idée est soufflée en regardant une photo de rejoindre un assemblage de statues bétonnées, comme larguées ça et là sur une pelouse très verte. On fait des kilomètres en trop dans une zone un peu industrielle et pas trop exaltante, une fois qu'on sait le genre de surprises que peut révéler la campagne au Laos. C'est l'occasion quand même de tomber sur deux choses qui font la fierté du pays ; la brasserie de la Lao Beer (seconde dans notre Top Pressions derrière la Gorkha népalaise) et le pont de l'amitié reliant la Thailande et financé par les Japonais (comme un nombre incalculable de projets par ce pays ou d'autres donateurs). Et puis, finalement après avoir demandé notre chemin à chaque village et avoir réalisé que le Mekong c'était bien commode comme point de repère pour s'orienter; on y arrive. Des pieds et des mains, vous vous hissez dans le coeur de cette citrouille de 15m bétonnée. Son coeur évidé est le repère de tout une faune de statues de ce même matériau : formes figuratives simulant des rapports de forces, nagas (serpents mythologiques gardant les lieux sacrés), ébauches mutilées et, au bout de ce circuit bizarre, le grand air, la fenêtre sur le jardin des curiosités. On y voit, dans des dimensions autrement plus impressionantes, les grand frères monstrueux des habitants de la citrouille. Des images des déités hindoues et bouddhistes, des cochons chevauchant leurs victimes humaines, des elephants à trois têtes... le show room d'un cimentier sous psychotropes. Chouette visite !
De retour à Vientiane, votre première impression est confirmée ; c'est une ville qui se la joue modeste avec son demi million d'habitants. Un endroit encore assoupi sur le flanc du fleuve où on vient dîner le soir. Une ville pas encore vendue aux démons de la modernisation uniformisante. Et puis allez!, en cherchant bien, une liste longue encore une fois comme le bras de temples à visiter s'offre à vous. Mais pour ce qui est de ces derniers, autant l'avouer, c'est l'overdose. On préfère attendre que les Khmers d'Angkor nous réconcilie avec l'architecture religieuse. Non franchement, on est content de simplement se ballader par ici à vélo (aucun exploit, la ville est plate), de regouter un petit peu à la nourriture française. Tiens, on croise d'ailleurs nos compatriotes par wagons entiers à la capitale alors que dans le Nord par exemple, pas du tout. On croise aussi un nombre éloquent de batiments administratifs colossaux aux jolis toits orientaux, sièges de quantités de ministères, de commission de secrétariats. On les repères bien parce que tout est sous titré en français. Et puis après être passé par les républiques islamistes, les unions dictatoriales, les monarchies autoritaires toute cette belle administration, ça nous permet de nous assurer qu'on est bien ici sous le regime du parti unique maoïste : le LPRP.
La dernière journée, autant se l'avouer, on fini quand même par tourner un peu en rond. Vous vous retrouvez alors et malgré vos belles promesses dans le sillage des autres visiteurs : devant le temple boudhiste de Pha That Luang d'abord. Vous allez là, mine de rien un des emblême de la nation, ce qui prouve que ces maos ne sont pas à une contradictions près. Pour y aller, vous avez eu à remonter les champs élysées locaux avec arrivée comme dans l'original sur un Arc de Triomphe (le leur célèbre l'eviction des Français). Sauf quand même qu'ici, les boutiques de luxes ont été remplacées - et c'est tant mieux - par les ministère du tourisme, de l'information et par une école (ce qui permet de vérifier en jetant un oeil par dessus le grillage, que les petits laos sont bien les plus jolis marmots au monde). On vous occupe aussi en vous envoyant trois fois à la gare routière : acheter votre ticlet, le faire corriger après vous être rendu compte que dans l'esprit du préposé aux billets le 30 Octobre précède le 1er Novembre (pas grave ; on les aimerais sans doute pas autant s'ils étaient moins étourdis) et prendre en fin votre bus de nuit pour Pakse. Vous sautez d'abord au plafond (très bas) en constatant le luxe tout thailandais de votre super engin VIP à deux étages, puis vous les maudissez pour avoir pensé thailandais aussi pour ce qui est des dimensions de la couchette.
Mais rien ne vous arrête ! Et surtout pas ces plateaux des Bolavens sur lesquels il va encore falloir se hisser pour tirer tout le bon jus de ce pays. Ca tombe bien, c'est justement dans ce coin que le café pousse.