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Bourlinguer
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20 juin 2008

Ispahan, Republique Islamique d'Iran

Des moyens colossaux sont mis en oeuvre pour vous faire croire que c'est a bord d'un long courrier et non d'un bus que vous avez pris place pour rejoindre Ispahan. La flotte se divise entre Volvo, reserve a l'elite des pelerins et le reste. Certains d'entre eux entretiennent loin la confusion en apposant sur leurs flancs des autocollants presomptueux ; 747. Leurs interieurs sont bardes d'ecrans qui se deplient et tentent de vous figer la retine sur la production irannienne du momemt (ca pleure beaucoup dans leurs films ; garcons et filles, ca se bagarre un peu ; garcons seulement, ca flirte passionnement et ca ne fini pas toujours bien). Comme chez Iran Air, les places ici aussi sont numerotees, on ecoppe d'ailleurs invariablement des 25, 26, 27 (le 27 c'est pour ce jeune suedois qui fera route avec nous a compter d'Ispahan). Et puis la encore le decollage prend parfois des plombes. Cote casting, rien a reprocher. D'abord parce qu'il a bonne allure le pilote avec sa chemisette blanche, les epaulettes couvertes de galons (tout comme celles d'un aviateur, puisqu'on vous le dit !). Aussi parceque dans sa tache de nous convoyer 450 kilometres plus au Sud de la capitale, il est seconde par un steward qui se chargera d'enchainer les projections de films (copies pirates) et de bien d'autres choses. On lui epargne cependant les humiliantes aerobiques que vous etes cense reproduire au cas ou le vol se passerait mal.

C'est au kilometre 300 que la clim se met serieusement a lacher. Les symptomes sont immediats ; la chemise qui vous colle a la peau, la proximite des autres voyageurs qui vous devient insupportable. Eux tentent de detourner votre attention ; le steward se la jouant pere noel. Pour sa premiere tournee ; madeleines, biscuits, gobelets, serviettes. Au second passage des boissons bien chimiques distribuees dans des pochettes, tout comme celles qu'on remplie quand on va donner son sang. On a un peu fait les imbeciles, il faut bien admettre a avoir voulu garder nos bagages entre nos pattes, et cela malgres les gentilles invites du conducteur. C'est qu'on a appris a se mefier des soutes qui vous restituent vos biens pas tout a fait dans l'etat dans lequel vous les aviez laisses. Sang de poisson, taches de camboui, disparition d'effets. C'est un peu le triangle des Bermudes qui se serait acoquiner avec les bidonvilles de Bombay qui voyagent en dessous de nos pieds.

On aurait tort d'en rajouter. Sept heures de voyages c'est pas cher payer pour circuler dans ce pays ou les distances sont homeriques. Comprenez, par exemple, que pour relier Tabriz pas loin de la frontiere turque a Zahedan, sa lointaine voisine cote pakistanais, vous en prenez pour plus de deux milles kilometres. Et un bon paquet d'heures. On ne pourra meme pas blamer la qualite de l'asphalte ; la DDE locale vous a deroule un tapis irreprochable. Pas de mysteres la dessous, les conducteurs sont choyes ; sans doute parce qu'ils constituent la premiere force electorales (hommes comme femmes, histoire de prouver qu'on ne circule pas en plein Moyen Age). Et ils sont nombreux les pilotes. Autant ques les morts en suspend, au moins. Pour expliquer le nombre de bagnoles, la cause est entendue ; avec un carburant archi subventionne (rationne a 100 km theoriquement mais tres peu cher au dela de toute facon, sans meme evoquer le marche noir) il faudrait etre tout a fait fauche pour prendre le bus. La joyeuse contrepartie est une atmosphere qui vous colle la larme a l'oeil, vous fait suffoquer, un traffic qui rend chaque traversee de carrefour guere plus envieuse qu'une partie de roulette russe. Bref, tout pour vous faire marquer en bien gras a u t o m o b i l e au debit de ce pays. Le solde a interet a etre positif. On verra par la suite.

Les premieres heures passees a Ispahan vous remette les idees en place. L'ambiance que vous sert la ville n'a rien de celles des cours des rois perses. Oubliees les magnificances de Samarcande, les plongees dans le passe non negociables quand on se promenait dans la vieille ville de Boukhara. Ispahan est prosaiquement moderne. A la sauce iranienne. Il faut les voir par exemple ces familles qui sont donne rencard pour pique-niquer bien sagement dans les parcs. On les envie, on se maudit meme de ne les avoir rencontrer qu'au sortir du resto ; c'est qu'on se serait bien fait inviter, nous. Et sans etat d'ame, encore. Ce sont elles qui masquent la vue des somptuosites supposees des architectures persanes.

pont_si_o_seh

On les retrouve parfois qui se promenent sur le pont de Si-o-seh. De l'ouvrage qui en impose, celui-la. Il vous permet sans supplement de prix de rejoindre le quartier Armenien, le plus occidentalise d'entre tous. Mais la encore, la dimension du batiment s'eclipse pour mettre en avant ces parents qui se font tirer le portrait avec leur progeniture a coup de telephones portables. De leur cote, ils ont l'air comme depasses les quelques vieux photographes qui trainent avec misere leur antiques argentiques par la laisse. On les prend en flagrant delits aussi, ces dragues clandestines qui se sont refugiees sous les arcades du pont, dans le creux des alcoves.

Alors c'est vrai ; en attaquant plus serieusement Ispahan par une visite guide a la main (a ce sujet, on n'aura pas tenu la semaine sans le Lonely Planet achete a bas prix ici ; preferez le de toute facon a l'inutile guide Bradt), on fini par les retrouver ces reliquats du passe. La place de l'Imam ; un rectangle royal ceint des galeries d'artisans et de vendeurs de souvenirs. Devant, derriere, sur les cotes, l'ambition a ete d'en mettre plein la vue avec pas moins de deux mosquees, un palais, et un portail donnant acces comme les galeries au bazar. Tout cela par la volonte du nabbab du coin (le Shah Abbas 1er) il y a quelques temps deja (XVIeme). C'est du carrelage bleu a tous les etages ; des domes, d'abord, couverts de cette fameuse faience mais qui nous apparaissent finalement presque blancs tellement qu'il tombe droit et dur le soleil. A cette heure la (on parlera du drole de rythme des journees plus tard), les jardins sont depeuples, la ville dans sa petite mort. Plus loin, en voila une autre de mosquee, plus imposante encore ; la Jameh 900 ans apres sa construction. La venerable apparait comme depouillee en comparaison. Il n'etait guere evident en meme temps de la couvrir aussi de faiences, la vieille dame qui reste par sa taille la plus grande du pays. A la visiter, on recoit, dit-on, un cours d'architecture, c'est qu'elles ont ete nombreuses les dynasties a avoir tente de lui imposer leur style. Pour nous, et c'est pas de chance, la plupart des pieces etaient fermees. Il faudra repasser pour le decrocher notre diplome d'histoire de l'Art.

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