Teheran - Republique Islamique d'Iran

Ils n'ont pas l'air redoutables ces deux policiers juveniles affectes a l'ouverture et a la fermeture des portes du commissariat central de Teheran. L'un court apres l'autre un jet d'eau a la main. Pas vraiment le genre d'arme pour repousser des manifestants, il faut plutot penser tuyau de jardinage. Ils retrouvent un peu de leur serieux au passage de la voiture de police dans laquelle nous sommes installes. On essaie de faire bonne figure ; depasser la privation de sommeil de ces dernieres 36h, la douleur de nos membres ensanglantes et la chaleur qui malgre toutes les preparations vous assomme.

C'est par une simple ballade, la toute premiere du sejour, que cette sinistre affaire commence. La faute a l'hotel qu'affiche complet jusqu'a 16h et de tout ce temps a tuer. La faute surtout a ce ;otard qui s'est pique d'interet pour la photographie et de convoitise pour notre numerique. Ma faute a moi aussi peut etre, de trimballer negligemment cet appareil a precision chirurgicale bien visible a mes cotes. Bref le temps de sentir la sangle qui claque et qui se fait la malle, que le pilote est deja hors de portee. Mon materiel, classe au rayon des souvenirs.

On s'est dit qu'on allait contenter notre assureur; faire une declaration en bonne et due forme et esperer qu'une partie du butin envole retombe dans nos escarcelles. La deposition prend 2h, avant cela, on est retourne sur les lieux du crime, histoire de mimer la scene seule maniere de communiquer avec ces fonctionnaires monoglotes. On aura pris soin de s'entrainer avant leur arrivee, facon de paraitre convaincant. Ces de la que viennent les ecorchures au tibia : un trottoir qui vous arrive aux genoux, une rigole d'evacuation profonte comme des douves et le bonheur de se rammasser de tout son long devant les passants, dont un qui fait tres propre sur lui, tres desole de ce qui vous arrive. Mais on en reparlera de celui la toute a l'heure. En mal.

La scene suivante se deroule donc au commissariat : les formalites de 2h dont on causait plus haut. Le droit de revenir le lendemain; aujourd'hui c'est jour saint, les fonctionnaires ne travaillent pas vraiment pour de bon. Au 2eme jour on vous annonce que cette histoire va vous conduire en cours de Justice; que vous etes donc priee de revenir le lendemain. Au 3eme jour nous revoila, et avec un interprete encore. On vous signifie que oui vraiment cette affaire merite d'etre traitee de toute urgence par la cour. Leur expliquer que tout ce dont vous avez besoin c'est de ce fichu recu de deposition a adresser a votre assureur; tout ca donc ne provoque qu'une lente maree qui remonte les courants hierarchiques pour voir si effectivement on peut vous en laisser tirer a si bon compte et qui redescend avec la reponse. Un non. Vous voila bon pour sejourner une 4eme journee a Teheran.

On s'obstine un peu a ne pas vouloir la visiter cette capitale. D'une part parce que vos petites affaires administratives vous occupent tous les jours jusqu'a 14h00, limite officielle au dela de laquelle il n'y a plus rien a tirer de la flicaille. Et d'autre part parce que la cite est repoussante. Rien ne semble reussir a se distinguer du reste; des larges avenues sacrifiees a l'automobiles, des ruelles dans le sillon desquelles coule une eau sale, des variantes que de gris et de marron. C'est finalement sous terre qu'on respire le mieux. Il est drolement neuf leur metro qui n'en compte que 4 de lignes. Construit par les chinois il y a quelques annees, il n'est pas sans rappeler celui que vous empruntiez a Tachkent, la capitale Ouzbek, avec ses creations contemporaines qui partagent le terrain avec des bas reliefs illustrant quelques mythologies perses.

A la surface, on l'a dit; rien qui stimule la curiosite. C'est que Teheran est une ville neuve au moins dans son role de capitale. Les palais de faience c'est plutot a Ispahan ou a Yazd qu'on ira les chercher. On tente en tout cas de s'en convaincre.

"Down with the US". Le slogan ne fait pas dans la nuance; cette stigmatisation du Grand Satan se retrouve peinte le long des murailles entourant l'ancienne ambassade americaine. Du coup pour contacter leur pays, les ressortissants Etats uniens sont pries de s'adresser au plenipotentiaire suisse. Ceux sont les seuls complications qu'ils ont a subir, du reste. Ils sont, de leurs propres aveux, aussi bien accueillis que les autres. Ces visites se font en metro, comme on l'a dit ou accompagne d'une vieille connaissance; celui qui vous a releve lorsque vous vous etes affales a la face du monde. On a pris ca pour de la sollicitude. Son insistance a vous suivre dans les rues, pour de la curiosite bienvenue. On avait tout a fait tort. L'apres midi ecoule, voila votre bon ami qui vous reclame avec un sourire fige 20 dollars. Mais pour quelle prestation au juste ? D'accord, 10 dollars. La colere deboule : celui la paiera pour toute la frustration accumulee dans les couloirs de l'administration policiere. On le renvoie dans ses penates; pas mecontent de lui avoir ruine son apres midi.

Pour ce qui est du temps perdu, on rajoutera le lundi 16 matin. Le jour de la convocation au tribunal. L'audience aupres du juge se deroule en presence d'un policier qui surveille un alignement de chaises sur 4 rangs. Le juge parle anglais. On croit tenir la le moyen de lui expliquer ce dont on a besoin - une attestation de depot de plainte pour l'assurance - et de mettre fin a l'interminable instruction. Sauf que , plus procedural que lui, tu meurs. Il fait tomber la sentence; aller simple pour la police criminelle afin d'exiger d'eux qu'ils prennent contact avec l'assureur. En France. A peine rassure quand le chauffeur de taxi evoque les " very smart guys" de la crim' et plus desespere encore quand je realise que les bureaux de ces fins limiers sont tres precisemment ceux des bras casses qui ont ouvert toute l'instruction ! Mais non, finalement on en ressort 2h plus tard avec la precieuse attestation. On prend bien vite soin d'en obtenir une traduction a l'ambassade.

On peut enfin se consacrer au depart de ce satane voyage et s'interdire desormais de sortir un vendredi 13.

Comments

[seb]

Sur ce coup la tu m'as fait plaisir 'il paiera pour la frustration' !
Avec cet imbroglio administratif, tu dois relativiser l'architecture des bases FST....
Et pour les photos, y'a pas mieux qu'un appareil jetable !!!
A bientôt pour de nouvelles histoires !!
"le penitent, le penitent ...."

[vinny]

Un bons début, c'est bien, ça vous met dans l'ambiance tout de suite, ça crée des liens.
L'esprit d'Alex-Murphy est avec vous ? Il vous a refilé sa chance légendaire ?
On pensera à vous Samedi, en buvant des bières, au frais (ou pas), entre gens sympas et de bonne compagnie.
Que votre route soit pavée. (C'est juste plus confortable)

[raj]

pansez-bien vos plaies et dites-vous que plus on voyage léger mieux c'est !!!
- du coup on passe au matos de dessin ou quoi ?
bises occidentales à vous deux.